Fréderique et Anne sont deux jeunes filles agitées qui fréquentent le lycée parisien Ferry. Les années 1960 sont à l'apogée de la transgression et pourtant les deux jeunes filles sont contraintes de se soumettre aux règles strictes de l'établissement, dirigé d'une main de fer et géré avec des méthodes désuètes. Les bouleversements de l'adolescence libèrent l'irrévérence des protagonistes.

Un an après "L'argent de poche" de François Truffaut, peut-être le plus grand film jamais réalisé sur le thème de l'enfance et de la puberté, Diane Kurys aborde plus ou moins le même thème pour son premier long métrage, dont le contenu est explicitement autobiographique. La juxtaposition s'arrête évidemment là. Les deux films se déroulent au cours d'une année scolaire, mais le premier se situe au moment de sa réalisation, tandis que l'autre est une reconstitution d'événements survenus quinze ans plus tôt. Ici, nous ne sommes pas en présence d'une pléiade de très jeunes acteurs, du nouveau-né au jeune homme de 15 ans lors de son premier baiser, mais de deux protagonistes, deux sœurs de 13 et 15 ans, en première et troisième année de lycée, filles d'un couple séparé, aux prises avec les tempêtes émotionnelles, les expériences, les découvertes et les espoirs propres à ces âges. Rien de bouleversant, mais tout est raconté avec élégance et une bonne dose d'humour. Néanmoins, le film est finalement plus intéressant pour son contexte historique et son éclairage sociologique que pour les événements racontés. Précieux et précis dans son évocation de la mort d'Edith Piaf, de l'assassinat de John F. Kennedy, des échos de la guerre d'Algérie et d'autres événements de ces mois-là (parmi lesquels je n'ai pas manqué de remarquer, dans le plan soudain de l'entrée d'une salle de cinéma, l'affiche du film "Le fanfaron", c'est-à-dire "Il sorpasso" de Dino Risi), il devient encore plus précieux lorsqu'il s'attarde avec un regard presque entomologique sur les us et coutumes des très jeunes de l'époque. On pense, par exemple, à l'impact qu'a eu cette année-là (même en Italie) l'apparition des "collants", remplaçant les bas classiques par des jarretelles et des porte-jarretelles, lingerie réservée aux adultes, qui obligeait les filles à porter de disgracieuses chaussettes blanches jusqu'à la fin de l'adolescence !

Personne ne boit d'alcool (le titre du film le dit), si un jeune de 15 ou 16 ans fume une cigarette, c'est un geste transgressif. On parle de sexe à tout bout de champ, mais sans le savoir. La scène où la plus immature des sœurs annonce à ses amies qu'elle a couché avec un garçon est hilarante. Face à l'incrédulité de son auditoire, elle entre dans les détails. Dans une autre scène, la même fille parle d'érection à son compagnon : "Pour faire l'amour, le pénis s'étire, il s'étire beaucoup. - De combien ? - Je ne sais pas... environ deux mètres !" Voilà le niveau de naïveté. Ce qui est au contraire universel, c'est le fossé qui sépare les lycéennes du monde des adultes. C'est l'âge où les parents apparaissent obtus et complètement myopes face à la mutation perpétuelle de l'époque, aux aspirations inédites de leurs enfants, tandis que les enseignants et toute la structure scolaire représentent un pouvoir tronqué dont on peut se moquer. L'avenir, bon ou mauvais, appartiendra toujours et de toute façon aux derniers. Il va sans dire que la bande sonore contribue avec autorité à l'immersion dans l'atmosphère d'une époque. Lors de la fête de l'après-midi chez un ami, les slows qui comptent sont consciencieusement confiés à 'Shadows' et à l'une des chansons les plus mélancoliques de Salvatore Adamo, grand spécialiste du genre ('Tombe la neige'). Avec trois millions d'entrées dans les salles françaises en 1977, le premier film de Diane Kurys reste son plus grand succès, même si la réalisatrice n'a pas démérité par la suite. A partir de 1981, il a été diffusé par toutes les grandes chaînes de télévision françaises, et a même été réédité en salles en 2017.