Suivez les aventures de Samus Aran tandis qu'elle tente de s'échapper d'une planète mortelle hantée par une menace mécanique.
Un retour attendu.
Metroid Dread est la béatification d'une icône vidéoludique, un saut évolutif, une nouvelle norme pour la série. La planète ZDR est une scène, son projecteur braqué sur les exploits d'une Samus Aran qui n'a jamais été aussi agile, puissante, déterminée ou audacieuse. L'ADN de Metroid qui l'a sauvée dans Fusion semble souvent prendre le dessus, la rendant inarrêtable, furieuse heure après heure, un power up après l'autre. Le level design à son service, étudié pour exalter son athlétisme, comme si une entité supérieure voulait tester ses capacités, la poussant à devenir de plus en plus forte, vers la limite puis au-delà. Une barrière que MercurySteam (feat. Yoshio Sakamoto) a fait tomber en mettant de côté le pixel art, libérant la chasseresse avec une animation polygonale d'une qualité absolue, plastique, explosive comme la possibilité de tirer à 360°, de glisser, de recourir au combat au corps à corps, rapprochant Prime et la série principale, reconnaissant les limites de ceux qui avaient d'abord essayé avec Other M pour ensuite appuyer sur avance rapide et tout accélérer, comme un saut hyperluminique.
Parce que si on veut être Metroid en 2021 (et ils l'ont déjà compris en 2017 avec le fantastique Samus Returns sur 3DS), il faut mettre le rythme et la vitesse d'action à la première place, pour raconter la meilleure histoire de ce personnage aujourd'hui : et dans Dread, on peut écouter l'intro de Ride the Lightning de Metallica en boucle (ou n'importe quelle chanson que vous aimez qui a ces BPM) sans que le gameplay ne saute un battement, sauf quand il est strictement nécessaire d'être plus prudent, réfléchi, de programmer les mouvements pour échapper à l'E.M.M.I. et leur force synthétique, implacable, corrompue et reprogrammée pour ralentir Aran, pour la mettre face à quelque chose d'effrayant, "injouable", capable d'intoxiquer son esprit, de la faire douter, et nous avec. Un protagoniste absolu qui nous laisse interpréter son physique avec un système de contrôle réactif, hyperkinétique et surabondant, conçu pour donner du spectacle et renvoyer des sensations ludo-émotionnelles très fortes, établissant un sentiment total qui nécessite très peu de mots, racontant tout avec l'action.
Metroid à la puissance cinq.
Dans Metroid Dread, l'exploration non linéaire est au service d'un caractère action-shooter encore plus marqué que par le passé, définitivement contextualisé dans une mission d'enquête qui se révèle immédiatement comme un piège dont il faut s'échapper au plus vite, par tous les moyens et sans aucune pitié. Une progression marquée par les recommandations de l'IA Adam et guidée de manière subliminale, où un level design apparemment alambiqué, plein d'impasses (momentanément), de tunnels optionnels formés de morphosphères cachant des objets à collectionner et d'un réseau de transport énigmatique permettant de se déplacer entre les différentes biomes, rappelant définitivement les schémas de déplacement métropolitains, se révèle extrêmement clair et "droit" si on l'analyse dans un second temps. Vous réalisez que les développeurs ont voulu donner un flux précis à la progression, qui est irrévocablement renforcée par une éventuelle seconde course consciente. Le retour en arrière n'est presque jamais nécessaire (il est toutefois adouci par la vitesse d'exécution et l'athlétisme de la démarche), devenant davantage un état d'esprit dont il faut se débarrasser, en pensant de manière plus simple, plus directe et plus instinctive. Les outils pour éviter la perte de temps et l'inertie sont tous à la disposition du joueur, à commencer par une carte claire qui donne la possibilité de mettre en évidence les différents types de portes, de s'orienter immédiatement après avoir pris certains power-ups, arrivant ensuite à disposer d'un scan environnemental très précieux pour identifier les faiblesses structurelles des niveaux.
Un game design bouleversant transforme l'évolution continue de Samus en pur plaisir, dominant de plus en plus l'environnement ; une physicalité explosive associée à un sens de l'espace qui fluidifie l'action et témoigne plus que tout du niveau atteint par les développeurs espagnols. Un mélange de plates-formes, d'énigmes environnementales et de combats rapides où vous devez montrer vos compétences en matière d'esquives et de contre-attaques mais surtout votre précision au tir, un triathlon typique d'une planète hostile, cachée dans l'espace profond. La disposition des ennemis (féroces et réactifs mais assez inoffensifs au niveau de difficulté de base, un choix judicieux) est conçue pour transformer les commandes en mémoire musculaire, accumuler de l'expérience pour ensuite la convertir en pics ludiques de combats de boss stratosphériques, de pyrotechnie, de danses mortelles chorégraphiées avec un goût et un sens du spectacle rares. Faire exploser des missiles, activer des machines, glisser, sauter, puis déclencher des événements en temps réel bien rythmés où notre tâche consiste simplement à appuyer frénétiquement sur la gâchette du canon tandis que la mise en scène abandonne la perspective de défilement horizontal, montrant toute la tridimensionnalité des environnements.
Metroid Thriller.
Une sensation de profondeur tangible met en valeur l'excellent éclairage (le costume de Samus dans l'obscurité montre des détails splendides), donnant corps et profondeur à des scénarios qui varient du naturaliste à l'industriel, du luxuriant au mécanique, de la lave à la glace, des grottes claustrophobes d'Artaria aux luxueux palais Chozo de Ferenia, désormais abandonnés, le point culminant d'un récit environnemental qui béatifie l'histoire de Metroid et de ses cultures, avec des statues, une architecture extraterrestre, des bas-reliefs et des machines futuristes, entre le sacré et le profane, se sentant agité, étranger parmi les vestiges d'une civilisation glorieuse qui semblait vivre suspendue entre religion, superstition et technologie. Le rendu graphique rend justice à l'écran de la Switch (notamment OLED) avec des effets de lumière et une profondeur tridimensionnelle de grand impact scénique. Les mêmes sons qui résonnent d'un coin à l'autre de la planète semblent être joués sur des instruments inconnus et exotiques, des morceaux solennels qui parviennent à nos oreilles depuis un temple souterrain, déformés par la morphologie du sol, la bande sonore de rituels archaïques cachés à nos yeux. Le mystère a raison de rester ainsi parfois, dans l'obscurité de l'univers. La direction artistique inspirée, soutenue par 60 images par seconde, trouve le bon compromis entre détails et lisibilité (fondamental dans un jeu comme celui-ci, qui court les marathons à un rythme de cent mètres), ne perdant l'équilibre qu'une fois que l'on entre dans les zones garnies par l'E.M.M.I. Une des caractéristiques les plus annoncées de Metroid Dread, une partie de cette "terreur" qui donne le titre à l'œuvre et que Nintendo a soulignée à plusieurs reprises pendant la promotion. Ce sont des phases intéressantes, pas sans précédent mais certainement plus corsées et plus profondes que la fuite d'Aran devant les pirates de Zebes, privée de sa Power Suit, dans Zero Mission, ou les poursuites anxieuses et soudaines de SA-X dans Fusion. Les zones surveillées par les drones de la Fédération Galactique sont des environnements aseptisés, des corps étrangers au milieu des biomes, dédiés à un changement de jeu qui prend des veines furtives certaines. Sensibles aux bruits, prêts à chasser dès que l'on entre dans leur champ de vision, la sensation initiale est celle de la panique, non préparés face à des êtres implacables, capables de nous infliger le game over juste en nous touchant.
Le game over lui-même est cependant géré de manière très douce, n'impliquant pas de réelle "punition" mais s'inscrivant dans un processus d'essai et d'erreur qui ressemble beaucoup au modus operandi de nombreux jeux de furtivité, où le joueur est forcé/souhaité de recharger la sauvegarde pour résoudre une séquence de la manière la plus propre possible. D'une part cela enlève sûrement un peu d'anxiété, d'autre part cela pousse à vivre ces rencontres de manière plus lucide, calculée, amusée, en abandonnant peut-être une première utilisation excessive du camouflage optique fourni pour respirer profondément, revoir mentalement le chemin et se lancer en apnée dans des échappées adrénalines vers la zone sûre la plus proche (alternant ainsi les deux phases de jeu de manière intelligente, avec la nécessité de passer plusieurs fois par les zones gardées depuis des entrées souvent différentes, en les diluant de la bonne manière dans la progression). Parce qu'une fois dans l'action, il est vraiment difficile de dire à son cœur de ne pas battre plus vite ; c'est une question de design sonore, de mouvements inhumains avec lesquels l'E.M.M.I. se désarticule pour traverser des passages étroits, de la façon dont elle se brise, nous coupe et nous attrape, avec une dernière et vaine tentative de contre-attaque que nous aurions personnellement rendue moins "impossible" à activer, juste pour prolonger le goût de la fuite, jusqu'au moment de l'assaut sur l'unité centrale qui contrôle les robots individuels. Il y a ici un véritable renversement des sentiments, l'angoisse se transforme en vengeance, le canon s'imprègne momentanément de l'énergie d'Oméga, un tir suffit amplement à en détruire un, lui faisant sauter la tête. Un tir qu'il faut charger en restant immobile, en cherchant soigneusement un endroit confortable pour l'attendre, en le forçant à se découvrir, en faisant d'abord fondre la couverture qui protège son "cerveau", puis en tirant une charge unique, précise et dévastatrice, pour enfin retourner respirer. Une sensation de puissance addictive, capable de caractériser l'ensemble de l'œuvre. Une parabole qui s'accomplit avec des choix narratifs audacieux et des rebondissements surprenants, avec une tension renouvelée de l'histoire, fraîche mais toujours cohérente, tirant les ficelles avec classe d'une des mythologies les plus fascinantes de la scène vidéoludique.
VERDICT
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Metroid Dread est un chapitre glorieux. Un retour passionnant qui a été traité comme un classique moderne, comparable au nouveau Doom, à Tetris Effect et au Donkey Kong de Retro Studios, des caractéristiques reconnaissables exaspérées par une mentalité moderne, vouée à l'évolution et non à l'émulation. Et c'est ainsi que Dread fait triompher sa protagoniste, une Samus Aran au sommet de ses capacités d'athlète de guerre, jamais aussi rapide et puissante, un paquet de muscles et de nerfs tendus qui traverse ZDR sans ressentir de fatigue, écrasante, dominant les espaces d'un level design bien étudié, labyrinthique si vous cherchez le 100% mais toujours capable d'indiquer la bonne direction pour continuer avec un flux irrésistible. 7-8 heures, sans pause, où même les éléments récurrents (certains mini-boss, le modus operandi de l'E.M.M.I.) sont tellement bien pensés et/ou bien exécutés qu'ils ne sont pas redondants, lourds, superflus. Une course à bout de souffle, le cœur dans la gorge, à jouer et à laisser sédimenter, puis à recommencer, pour en faire un parfait matériel de speedrun. Vous l'avez encore fait MercurySteam, vous avez maintenant inscrit votre nom de manière indélébile dans la saga. A bientôt, chasseuse de l'espace.