Lucien c'est un enfant dans un corps d'adulte. Il est balayeur et n'a pas son pareil pour faire valser les feuilles mortes ; avec lui, l'ordinaire devient grâce et poésie. Mais cette délicatesse, c'est pour les chiffes molles alors, forcément, les p'tits mecs le moquent et les mâles le malmènent... sauf Paul. Plus sensible, moins fier, le gamin va devenir son ami. Il y a aussi la coriace et profondément généreuse Maria qui n'a pas peur de la meute et montre les crocs pour prendre sa défense à la moindre anicroche. Il ne lui en faut pas beaucoup, il est heureux ainsi, Lucien. Mais un petit rien, une bêtise, un mensonge, et la douce vie vole alors en éclats. C'est le début d'une effroyable et inexorable descente aux enfers. Même si l'on peut pressentir le drame, la claque nous laisse comme hébété. La bascule est si nette, la bêtise humaine si insondable, les secrets et révélations si savamment orchestrés, que la noirceur n'en devient que plus intense et saisissante. Alors on est forcément touché par le personnage, fragile et émouvant. Et puis il y a aussi cette poésie visuelle, le trait fin, tout en noir et blanc, joue d'arabesques, de petits détails, d'allégresse et se métamorphose sous nos yeux.