N'ayant rien à faire, Omar passe ses journées à faire des allers-retours à travers une petite île de pêcheurs en Ecosse en trimballant son lourd Oud. Cet instrument est le seul lien d'Omar avec sa Syrie natale - on le voit rarement sans lui, il fait pratiquement partie de lui, ce qui est clairement un fardeau autant qu'une joie. Pour Omar et les autres réfugiés, qui n'ont nulle part où aller ni où retourner, leur passé et leur avenir perdent rapidement tout sens. Cet état d'incertitude se reflète dans chaque élément du film. Il trouve de l'humour dans les habitants qui insultent Omar puis lui proposent de le déposer, craignant qu'il ne soit surpris par la pluie. Le paysage de l'île est à la fois vaste et claustrophobe.

Le scénariste et réalisateur Ben Sharrock a réalisé quelque chose de très spécial avec Limbo. Dans ce film sur un groupe de réfugiés déplacés attendant l'asile sur une île anonyme des Hébrides, il parvient à faire preuve d'humour, de déchirement et de pathos dans une même mesure. Présenté sur un ton décalé qui dissimule faussement la profondeur de son histoire, Limbo s'avère être une œuvre cinématographique profondément émouvante. Filmée au format 4:3, la caméra encadre tout, permettant au paysage de s'étendre au loin tandis qu'Omar et les autres doivent se serrer pour entrer dans le cadre. Tout cela contribue à créer une expérience étonnamment empathique, non seulement dans la description de la situation impossible d'Omar, mais aussi dans la façon dont, vu à travers les yeux d'Omar, Sharrock transforme son pays natal en un paysage étranger.