L’histoire magistrale du tremblement de terre et de l’incendie de San Francisco en 1906, se déroule comme un cauchemar au ralenti. Le sol se transforme en liquide alors que les « terres de remplissage » construites au hasard sous les rues – sable, terre, ordures, boue – gargouillent vers le haut. Les maisons et les bâtiments érigés sur ce terrain s'effondrent instantanément, les étages supérieurs s'avançant jusqu'au niveau de la rue, écrasant tout et tout le monde en dessous. Trop d'incendies pour les compter se sont propagés à une vitesse apparemment impossible - en 1902, avec une population de plus de 400 000 habitants, San Francisco était plus faite de bois que n'importe quelle autre grande ville américaine - alors que les membres d'un service d'incendie de premier ordre étaient confrontés à une horrible réalité. Peu de bouches d'incendie de la ville donnaient de l'eau. Le séisme de magnitude 7,9 lui-même était gargantuesque. Mais c’est l’incapacité de se préparer qui s’est avérée la plus meurtrière.  Les résultats sont bien connus. Plus de 3 000 personnes sont mortes et plus de 80 % de la ville a été détruite. Il s'agissait du « premier véritable désastre national de l'Amérique », couvert à bout de souffle par la presse nationale et par une technologie de narration relativement nouvelle, le cinéma.

Damien Marie va au-delà des chiffres et des images familiers pour nous présenter le ténor Caruso, une des plus grandes voix de l'Opéra, qui est aux prises avec la mafia italienne et qui se produit sur la scène du Grand Theatre Central. On lui suggère fortement de transporter un tableau de Gustav Klimt dans ses bagages, colis que deux malfrats devront récupérer dans sa chambre du Palace Hotel. Everett est femme de chambre dans le dit hotel. Avant que Caruso n'arrive, elle vérifie que tout est en ordre et découvre une toile qu'elle n'aura jamais dû voir. Mais le sol se met alors à trempler. L'album ne fait que 56 pages mais l'histoire est dense et débute par un prologue retraçant l'histoire de Judith, la femme qui a inspiré le tableau de Klimt. Fabrice Meddour illustre à merveille les ruelles sombres de la mégalopole, tout en aquarelle. Il montre minutieusement ce qu'a ressenti les résidents de la ville en pleine effondrement. Comme d’habitude dans de tels cas, ce sont les zones à faible revenu qui ont le plus souffert. Les hôtels et les pensions au sud de Market Street, construits à la hâte et fragilement, se sont effondrés instantanément et se sont effondrés comme de l'amadou.