Scénario : François Bégaudeau
Dessin : Cécile Guillard
Guylaine a été une petite fille choyée par ses parents, jouant des heures avec son voisin et ami Gilles jusqu’au jour où Gilles demande à un groupe de gamins jouant au ballon s’ils peuvent se joindre à eux. Ils acceptent mais ils ne veulent pas de la moche, c’est-à-dire de Guylaine. La petite fille ne comprend pas en quoi elle est laide mais sait que c’est un problème. A partir de ce moment-là, le paradis de Guylaine devient un enfer et elle va grandir en essayant de se fondre dans le décor, ne s’alliant qu’avec d’autres filles comme elle, jusqu’à l’adolescence où elle va essayer de devenir la copine rigolote, histoire de pouvoir fréquenter d’un peu plus près les garçons à défaut d’avoir un petit ami …
Il est difficile de définir ce qu’est la beauté et i n’y a rien de plus subjectif que cela. Nous étions donc curieux de voir comment le sujet allait être abordé et la morale qui allait en ressortir. En plus, le graphisme en légers tons de gris tirant sur le sépia, avec une découpe variée (absence de vignettes par moments, dessins pleine page, …) et un trait ample qui pourrait paraître simple mais qui est travaillé et expressif, se révèle bien choisi. La narratrice est Guylaine et on a donc qu’un seul point de vue, ce qui un peu gênant. Le début est bien mené car on voit une époque bénie et insouciante où le jugement des autres n’existe pas. Et puis, tout à coup, le monde cruel reprend ses droits et Guylaine devient moche sans comprendre pourquoi. Tout au long des pages, cet handicap sera là, lui pourrissant la vie mais il faut dire que Guylaine n’a pas eu le temps de se forger une assurance, sa « déchéance » arrivant à un âge tendre et elle est incapable de s’affirmer vis à vis des autres. Donc, on suit les pérégrinations de Guylaine au fil de sa vie : son adolescence, son premier petit ami et sa relation totalement ratée, l’entrée à l’âge adulte, son moment de révolte, et le déroulement des jours jusqu’à la retraite. Compte tenu des informations sur les modes en vigueur, nous sommes un peu perplexe quant à son rapport au paraître : elle n’a pourtant pas grandi à une époque où une grande partie des relations est basée sur le physique, comme de nos jours avec les diktats de la mode et des réseaux sociaux. L’auteur traite donc son récit comme si ce qui se passait dans ces années-là était exactement la même chose que maintenant alors que ce n’est pas le cas. Alors, oui, certaines de ses réflexions sur la place de la femme dans la société sont intéressantes et font réfléchir mais elles ne sont pas complètement adaptées au contexte. Même si la femme n’avait pas une place très agréable dans les années 1970, au moment où Guylaine entre dans l’âge adulte, elles étaient moins jugées sur le physique hormis par certaines strates de la société, strates qui ne semblent pas être celles de la famille de Guylaine. L’auteur dit bien que la femme n’a pas à être dépendante des hommes, elle doit être elle-même sans crainte d’être jugée et ne doit pas se soumettre aux règles édictées par la société mais ce qui ressort au final, c’est quand même que si tu es moche, tu vas galérer, tu auras une vie pourrie et peu d’amis, sans parler des chances de pouvoir fonder une famille. Très machiste comme raisonnement et très superficiel : il me semble que tous les goûts sont dans la nature et qu’une personne qu’untel trouve moche peut plaire à un autre ! Donc, un très bon point pour le graphisme mais des doutes sur l’histoire en elle-même.
VERDICT
-
Traitant d'un sujet difficile, cet album séduit davantage par son graphisme que sa tonalité générale qui manque indéniablement de nuances.