Été 1986: peu de temps après la tragédie de Tchernobyl, Nicolas de Crécy et son cousin de 20 ans ont entamé un long voyage à bord d'une vieille Citroën Visa accidentée. Une vieille caisse à jeter, qui au contraire - inconsciemment - a été en quelque sorte rafistolée et transformée en un véhicule absolument original et poétique, un vaisseau futuriste, absurde et bancal. Ils ont traversé la France, le nord de l'Italie, la Yougoslavie, la Bulgarie et la Turquie dans un voyage audacieux et sans but, avec seulement une petite bibliothèque improvisée à bord de la pauvre Citroën. Mêlant les souvenirs du voyage à ceux de l'enfance, Nicolas de Crécy prend comme point de départ ce récit autobiographique pour donner vie à une réflexion profonde sur les dernières décennies de l'Europe : de celle des visas et des frontières, à celle de la libre circulation et du tourisme des vols low cost. Le titre lui-même est un jeu de mots entre le nom de la voiture et le document, puisqu'en français c'est "Visa".

Visa Transit est un merveilleux roman graphique, romantique et audacieux, De Crécy, sur le fil des souvenirs, nous accompagne à travers une Europe perdue, sur laquelle alternent des ombres inquiétantes, surtout nucléaires : minimisées, mystifiées, niées. De Crécy avec Visa Transit souligne la question des frontières avec un ouvrage d'une grande actualité pour une Europe sous le danger constant du populisme, hier comme aujourd'hui. Page après page, le tout accompagné de textes de grande qualité littéraire, l'auteur prépare une autobiographie onirique pleine de rencontres et de visions mystérieuses. De belles aquarelles immortalisent des cieux pleins de poésie où les montagnes s'élèvent à perte de vue, des visages creusés mais aux yeux pleins de vie, des rencontres de quelques instants qui restent gravées dans le cœur et l'esprit tout au long de la vie : celle de De Crécy est un parcours de formation plein de mélancolie et d'une grande force évocatrice.  Dans ce "road movie", le maître de la bande dessinée alterne réalité et souvenir - parfois faible et parfois pointu - utilisant sa poésie onirique pour un récit politique important et nécessaire.