Le jour où l'ETA annonce qu'elle rend les armes, une veuve âgée retourne dans le village où elle vivait avec sa famille jusqu'à ce que son mari soit assassiné de sang-froid. Mais tout ne sera pas aussi facile, car il y a des choses comme le harcèlement, la mort et la rancune qui ne peuvent jamais être oubliées. Aujourd'hui, nous allons parler de Patria, un roman graphique qui aborde l'un des sujets tabous de l'Espagne. Les lecteurs n'auront peut être pas connaissance de l'attentat perpétré dans ce célèbre centre commercial de Barcelone en 198, ni d'autres exécutions politiques, et ils n'étaient pas non plus en Euskadi à respirer cette atmosphère de tension et de division sociale lorsque l'ETA a agi. Nombreux sont ceux qui au pays basque ont justifié certaines actions de cette bande armée comme un exemple d'amour pour leur lieu de naissance et comme un combat pour la liberté. Nous ne sommes pas là pour juger qui que ce soit, mais simplement commenter un roman graphique. Mais ce qui ne fait aucun doute, c'est qu'aujourd'hui encore, de nombreuses plaies sont ouvertes. Et il semble que, malheureusement, cela va continuer ainsi pendant plusieurs années encore. Demander le pardon et savoir pardonner est très difficile, surtout lorsque cette croisade qui a duré si longtemps a coûté la vie à tant de personnes (certaines sont mortes après une explosion et d'autres après avoir rejoint le groupe nationaliste). C'est de cela qu'il s'agit dans Patria, un roman graphique de Toni Fejzula récemment publié par Ankama en France, alors qu'une série éponyme a été lancée par HBO Europe. Basé sur le roman du même nom de Fernando Aramburu, voici l'histoire de deux familles du même village qui étaient autrefois amies. Mais l'un de leurs membres est un jeune membre de l'ETA et l'autre finira par être une victime de cette organisation terroriste. Nous verrons comment chaque personne a évolué au cours de sa vie, dépeignant le collectif diversifié de la société basque.

L'auteur, d'origine serbe, sait mieux que quiconque ce qu'est la rupture entre citoyens d'une même terre, ayant une connaissance directe des guerres qui ont eu lieu en ex-Yougoslavie. Car si tous les affrontements génèrent de la douleur et de la souffrance, les plus durs et les plus difficiles à tourner la page sont probablement ceux où des frères sont séparés et s'entretuent. Patria est une œuvre courageuse et émotionnelle qui traite de la difficulté d'oublier, de pardonner et de s'excuser. Elle parle de ressentiment, de peur, de vie quotidienne et de suprématisme. Mais elle le fait de manière objective et impartiale, en nous montrant les différents idéaux et les conflits qui peuvent en découler. Nous pourrons contempler une radiographie de la défragmentation d'un peuple basque qui se bat actuellement chaque jour pour qu'aucune différence ne devienne plus grande que tout ce qui l'unit. Sur le plan artistique, c'est une merveille. L'ouvrage transmet cette atmosphère typique d'Euskadi, avec un détail qui va de pair avec l'ambiguïté. Il y a des visages qui ne sont pas très bien définis parce que beaucoup des personnages que nous verrons nous rappelleront probablement quelqu'un de notre entourage. L'artiste parvient à raconter cette histoire à travers de petites images avec une capacité étonnante à atteindre notre âme, à nous faire sentir partie de cette histoire et à nous émouvoir. Il dépeint la vie telle qu'elle est réellement : pleine de courbes et de pentes. Et il y parvient en associant le récit et l'art de manière à ce qu'ils fonctionnent avec précision, comme un engrenage parfait. Il s'agit d'une prouesse graphique capable de séduire même ceux qui pensent encore que les bandes dessinées ne sont que des produits pour enfants. A aucun moment la crudité à laquelle les protagonistes doivent faire face dans leur environnement familial et personnel n'est omise. En outre, le volume comprend également une multitude de suppléments dans ses dernières pages. On y trouve des déclarations biographiques de Toni Fejzula lui-même, dans lesquelles il commente les raisons pour lesquelles il s'est lancé dans ce projet. Et nous aurons plaisir à contempler la démarche artistique réalisée.