À quoi sert de tout connaître si cela débouche sur l’aliénation de l’esprit humain par la technologie ? Les rédacteurs de L’Encyclopédie, purs esprits, connaissaient les processus du feu ou de la cuisine, mais pas forcément comment les recréer de leurs mains. Les Omniscients, eux, n’hésitent pas à (ré)apprendre les gestes ancestraux pour mieux tenter de se défaire d’une technologie jugée intrusive, parasitaire. Ils pensent comme ce vieux sceptique de Rabelais, que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Les enfants s'immergent dans une (mère) nature fantasmée et protectrice, tels de bons cobayes rousseauistes qui vont commencer leur voyage par une communion avec un environnement sauvage, en s’y épanouissant, en "l’écoutant" pour tenter de le protéger de ce qu’ils interprètent comme des dérives lui portant atteinte. Métaphore du combat écologique actuel ? Pour y parvenir ils doivent cependant détruire la concurrence, incarnée par une entité omnisciente automatisée perçue comme autoritaire et incontrôlable : Les Autres.

Le lecteur croyait pourtant qu’une technologie n’était intrinsèquement ni bonne ni mauvaise. Qu'elle dépendait de qui la maîtrisait. Quant à la nature, elle n’a jamais été un refuge idéal ou protecteur de l’humanité. Toutes les civilisations se sont échinées à la façonner pour espérer y survivre. Avec des succès contrastés. Vincent Dugommier maîtrise les récits et les interactions juvéniles. Il apporte avec cet album un supplément d’âme aux débats nature vs culture ou innée vs acquis, qui font la joie des philosophes après quelques verres. À mesure que les pages avancent le style de Renata Castellani s’affine, notamment dans les scènes d'action. Son trait agréable s’oriente progressivement vers l'élasticité de celui de Brice Cossu.