Par coeurs
Plate-forme : DVD
Date de sortie : 20 Juin 2023
Résumé | Test Complet | Images | Actualité
Editeur :
Développeur :
Genre :
film
Multijoueur :
Non
Jouable via Internet :
Non
Test par

Nic007


8/10

Réalisé par Benoît Jacquot.

Isabelle Huppert est l'une des actrices les plus vénérées de l'industrie cinématographique actuelle. Elle est aussi, très probablement, la plus impénétrable. Lors d'une table ronde d'actrices organisée il y a quelques années, l'actrice française n'a pas perdu une seconde pour dire qu'aucun des personnages qu'elle a incarnés au cours de sa carrière n'a changé sa façon de voir la vie. Ses interprétations au fil des ans sont marquées par le jeu, mais ne sont jamais les mêmes : elles se délectent toujours de ce mépris de la conformation. Dans le nouveau documentaire modeste de Benoit Jacquot, Par Coeurs, la caméra surprend Huppert en dehors du contexte de son art. Ici, elle est clairement consciente de la caméra qui attend de la prendre au dépourvu, mais va-t-elle révéler un peu plus que ce qu'elle choisit à la vue de tous ? Cet exercice de documentation d'une actrice dans les coulisses, dans ses moments de préparation les plus intimes, alimente ce petit film intelligent qui a été présenté au Festival international du film documentaire de Copenhague 2023. Aux côtés d'Isabelle Huppert, Par coeurs observe également le célèbre acteur français de théâtre et de cinéma Fabrice Luchini, qui récite Nietzsche avant de quitter les coulisses, créant ainsi un double film sur la rencontre d'un acteur avec le texte. Tous deux sont présents pour les productions du Festival d'Avignon en 2021. C'est un spectacle fascinant. La scène se passe à Avignon, à l'été 2021, où Huppert se rend pour une mise en scène de La Cerisaie de Tchekov. Dans la voiture, elle s'enthousiasme pour le scénario. Pourtant, il y a une ligne dans le texte qu'elle n'arrive pas à assimiler et à faire avancer. "La catastrophe est tellement incroyable que je ne sais plus quoi penser", répète-t-elle impulsivement en français. "Je suis toute désemparée. Elle dit qu'il n'est jamais arrivé qu'elle reste ainsi bloquée sur une ligne du texte, incapable de comprendre comment naviguer dans sa tête. Elle se promène avec un sens caché de l'enquête sur le lieu, les gens et le personnage. On la voit s'installer dans un espace improvisé derrière la scène, faire une petite sieste entre les deux, et se préparer en même temps que ses camarades, s'assurant constamment qu'elle a son texte par cœur.

En revanche, l'objectif de Jacquot s'attarde sur Fabrice Luchini pendant une longue séquence, lorsqu'il lit Nietzsche avec une voix pleine d'élan, en engloutissant toujours le sens et le sous-texte dans son élocution stupéfiante. Sa lecture est imposante et passionnée. Même lorsqu'il ne récite pas ces lignes, Luchini y pense - toujours dans son élément performatif, parlant inlassablement de la question du jeu, de l'importance de la colère d'Alceste et du processus de soumission au texte. "La phrase n'est pas une phrase. La phrase est un état à atteindre", implore-t-il. La caméra de Jacquot met en lumière ce besoin et cette faim omniprésents d'un artiste qui s'efforce toujours de jouer avec un sens de la vérité saisissant. Il y a une discipline et un inconfort qui poussent l'acteur à continuer. Avançant à un rythme tranquille et sans fioritures, avec des mouvements de caméra à la main, Par coeurs offre un plaisir gratifiant aux cinéphiles qui connaissent le travail de ces deux acteurs, car ils apportent un sens de l'individualisme dans chaque rôle qu'ils assument. Mais il n'est pas nécessaire de les connaître pour réagir à leur préparation, à leurs angoisses et à leurs erreurs de dernière minute. Dans une scène, Huppert danse sur la scène, les mains en l'air et la tête haute, tournant à petits pas autour du même point. Essaie-t-elle de se réapproprier le lieu ? Est-elle consciente de la caméra ? Elle ne le dira jamais vraiment.

VERDICT

-

Par coeurs se garde bien d'essayer de peindre un instantané ordonné et introspectif rempli de discussions élaborées sur la création et la préparation. La caméra est une mouche sur le mur, qui ne vous dit jamais où regarder et où vous tenir. Elle se contente d'observer, avec la familiarité habituelle d'un ami lointain, en présence duquel ces deux artistes engagés se préparent et jouent. Il y a de la beauté et de la terreur dans leur art, mais aussi une dévotion totale et une intrépidité qui les poussent à poursuivre ce texte indiscipliné jusqu'à ce qu'il s'intègre parfaitement dans leur puzzle artistique.

© 2004-2024 Jeuxpo.com - Tous droits réservés