Près de 14 ans après la parution de « Au-delà des ombres », la conclusion présumée de la trilogie « l'Ange de la Nuit » de Brent Week, une suite voit le jour. Après une si longue période, il s'agit d'un pas audacieux, car les bases de l'histoire précédente sont soit inexistantes, soit très probablement incomplètes pour le lectorat. Ce ne sont pas de bonnes conditions pour faire passer un livre au lecteur. Toutefois, il vaut mieux avoir peu d'informations que pas du tout. Si vous n'avez pas lu les tomes originaux, nous vous conseillons vivement de lire la précédente trilogie avant d'acheter « Nemesis ». Dans le cas contraire, votre lecture sera une expérience assez déroutante et décevante. Pour tous les autres, avant ou du moins pendant votre lecture, il sera utile de jeter de temps en temps un coup d'œil sur ce que l'on appelle les « fan-wikis ». Ici, vos souvenirs sont alimentés par quelques éléments qui facilitent véritablement l'entrée dans la saga. Car c'est justement au début de l'histoire que les personnages et les termes sont jetés en pâture, laissant le lecteur non averti avec quelques points d'interrogation. On cherche d'ailleurs en vain un glossaire avec des descriptions de personnes ou de lieux. Bref, contrairement à ses prédécesseurs, l'histoire de « Némésis » est presque exclusivement racontée du point de vue de Kylar Stern, l'Ange de la Nuit. Il est porteur du Ka'Kari noir, qui lui confère quelques tours extraordinaires en plus des autres capacités magiques de Kylar. Cette entité magique peut ainsi lui conférer l'invisibilité ou se transformer en armes ou en outils les plus divers. Les multiples capacités du Ka'Karis et son entraînement rigoureux auprès de Durzo Blint, l'ancien maître de Kylar, font de lui l'un des assassins les plus meurtriers de tout Midcyru. Dans ce roman, qui débute peu après les événements finaux d'« Au-delà des ombres », Kylar nous raconte son histoire sous la forme d'un journal intime. Il vit reclus et seul. Les souvenirs de son amour défunt sont présents et obsédants. Lorsque son ami Logan, Haut-Roi de Cenaria, demande à Kylar de garder ses fils pendant que lui et sa femme sont en voyage diplomatique à l'étranger, le chaos s'installe. Les enfants sont enlevés et Kylar entreprend un voyage à travers le continent pour ramener les jumeaux de son meilleur ami sains et saufs à la maison. Pour cela, il doit faire équipe avec la belle et mystérieuse Phaena, qui doit l'aider activement dans sa quête. Leur odyssée les amènera à se rapprocher dangereusement des institutions de magiciens masculins et féminins, connus pour jouer leur propre rôle dans le grand jeu politique des rois.

Les grandes lignes de l'histoire sont une solide nourriture pour la fantasy. Plus le récit avance, plus le voyage de Kylar se complique. Brent Weeks incite son lectorat à prendre une part active à l'intrigue. Avec Kylar, on se perd en conjectures sur les intrigues et les dialogues. Ce roman est donc d'un niveau d'exigence passionnant, qui débouche sur un effet d'attraction agréable. Outre l'intrigue proprement dite, cette œuvre convainc par son personnage principal, Kylar Stern. S'il est d'un côté un virtuose de son métier, intégré dans un code strict de culpabilité et d'innocence, il est d'un autre côté complètement dépassé dans les relations humaines. Cela s'explique notamment par le fait que sa langue insolente est souvent plus rapide que son centre de réflexion et qu'il se montre ici et là extrêmement maladroit face aux femmes qui manifestent clairement leur intérêt pour lui. Kylar en est bien conscient. C'est pourquoi, dans son récit des événements, il s'en prend parfois à lui-même et rejette la faute de son idiotie sur la magnificence des seins féminins. Vous remarquerez que l'humour chargé de clichés n'est pas absent de ce roman. En principe, notre ange de la nuit nous livre son histoire dans un paquet ficelé de manière très sarcastique.  L'ensemble est particulièrement réussi lorsque Kylar discute avec de vieux amis, se prend lui-même pour cible ou cède à la tentation de flirter avec son acolyte. C'est un manque de sérieux qui, ici et là, embarque la structure de base de l'histoire de l'assassinat dans des contrées dont la légèreté fait que les lecteurs ne peuvent pas s'immerger assez profondément dans le suspense proposé. Mais dans l'ensemble, l'ambivalence du divertissement proposé s'équilibre. L'auteur a très bien réussi à mettre en valeur son retour sur son ancien lieu de travail avec de nouveaux moyens stylistiques et de nouvelles idées.