Fin fond de la Californie, XXe siècle. Cole Hupp vit au bout du monde, à l’écart, avec la réputation d’être un vieil ours farouche qu’il ne faut plus emmerder. C’est justement ce que ne fait pas Vivienne, une bibliothécaire historienne curieuse qui est partie à sa recherche et souhaite l’interviewer. Red dust, Comanche, le Ranch triple six qui ne répond pas… Vivianne sait qu’elle vient toute la poussière de cette histoire mais elle ignore tout le sang et les drames… Tous deux prennent la route vers le ranch, vers le passé, les regrets, vers les vieux amours, notamment pour revoir Comanche.?‍

Un titre qui claque comme une injonction, une calligraphie fuyante qui n’est pas sans rappeler les titres des films américains de la Metro Goldwyn Mayer des années 50. Tels des « hobos » dans un décor de grandes plaines sépulcrales, nos deux personnages foncent droit sur le lecteur, colt à la main et regard déterminé. Une éolienne métallique ancre la scène dans l’Ouest rural américain. Dans une ultime tentative de rencontre avec les derniers protagonistes des guerres indiennes, au début du XXème siècle, Red Dust et Vivienne se mettent en route. Dans ce « Road-Movie » funèbre et profondément pessimiste, la fin d’un monde est auscultée. Ce n’est pas le but qui est décrit mais le chemin vers ce qu’on devine comme étant le jugement dernier. Le silence est bruyant, les personnages taiseux, les grands espaces crépusculaires telle une manifestation de la colère divine. L’ombre des disparus vient troubler les vivants alors que Romain Renard multiplie les clins d’œil à la culture cinématographique américaine : « Ô brother » des Frères Cohen, « Bonnie and Clyde » d’Arthur Penn ou les grands westerns. Comme l’Egypte face à ces 10 plaies, notre duo est confronté aux intempéries (tempête de sable, feux...). Nos personnages semblent sortir d’un halo charbonneux et vaporeux dans un contexte eschatologique. L’apocalypse de Saint Jean prend la forme d’une possible repentance s’agissant de la conquête de l’Ouest. Des ténèbres surgissent la vie et Vivienne en est l’incarnation. A la mort de Comanche répond l’accouchement de Vivienne : la fin d’un cycle coïncide avec le début d’un autre. Un graphique magistral et neurasthénique qui ne peut laisser indiffèrent. A lire d’urgence.