Dans l'Irlande des années 1980, Bill Furlong, un vendeur de charbon aux manières douces, entre par hasard en contact avec certaines des jeunes mères hébergées dans un institut ecclésiastique des Magdalene Laundries, où les religieuses accueillent les jeunes accouchées, et constate qu'un climat de peur, voire de terreur, y règne. C'est la période qui précède Noël, mais ni la sérénité ni le sentiment de paix ne règnent dans ce lieu, et l'homme, mari sensible et père de cinq filles, devient le spectateur occasionnel de l'entrée de la jeune Sarah, qui a été bannie de ce lieu par sa mère afin que les religieuses puissent résoudre le problème qui embarrasse tant la réputation de la famille de la jeune fille. Sarah, c'est le visage douloureux et suppliant de la jeune fille qui lui rappelle la situation de sa propre mère, elle aussi mère célibataire, mais qui, heureusement pour elle, n'a pas été prise dans les griffes de ces sœurs sans cœur.  À ce moment-là, déterminé à protéger celle qui pourrait être son sixième enfant, le charbonnier devra faire face aux menaces non dissimulées de l'abbesse glaciale et droite Sœur Mary (une Emily Watson époustouflante, qui a remporté le prix de la meilleure actrice dans un second rôle au Festival du film de Berlin 2024), convaincue qu'il doit faire quelque chose pour apaiser un sentiment de culpabilité qui le tenaille et le fait se sentir à l'opposé de ce qu'il est en réalité : un homme sensible et attentionné, père de famille irréprochable et aimant.

Le film intense, calme dans son contexte narratif dramatique, basé sur le roman du même nom de Claire Keegan, met en lumière les abus perpétrés pendant des décennies dans les « Magdalene Homes », des instituts religieux officiellement créés pour fournir une assistance aux jeunes mères, mais en fait transformés en ghettos d'exploitation et de profit, perpétrés en vendant les enfants à naître à des couples fortunés en quête d'héritiers. La photographie sombre et oppressante de Frank van den Eeden raconte parfaitement la nuit du cœur, le froid de l'indifférence, la pluie incessante et agaçante de la conscience qui surgit de temps en temps. Les nuits blanches, les lumières livides et les couleurs boueuses racontent l’état d’esprit du protagoniste qui ne trouve la paix que dans la décision la plus difficile à prendre.  Cillian Murphy travaille par soustraction, donnant vie à un personnage véritablement riche en nuances. Eileen Walsh livre également une excellente performance, incarnant les imperfections et les hypocrisies de la société irlandaise. Emily Watson, tout à fait à l’aise avec le voile lors de ses récentes sorties, est une plénipotentiaire aussi astucieuse que futée. Quelques minutes lui suffisent pour imposer son talent dans un récit où la figure de la religieuse est centrale dans la répartition des responsabilités pour le péché commis entre les murs du sanctuaire de Dieu. Enfin, l'excellente mise en scène de Tim Mielants rejette les cris d'indignation de l'affaire pour adopter le ton le plus calme et le plus introspectif. Un excellent film à tous points de vue.