60 ans déjà ? est une bande dessinée humoristique et introspective. L'ouvrage s'inscrit dans la veine des récits de Jim qui explorent l'humain et ses failles avec lucidité et humour (Une Nuit à Rome, Zoé Carringon). L'album explore le thème du vieillissement et le passage à la soixantaine. Il s'agit d'une série de gags courts et de saynètes calqués sur la vie du quotidien. L'auteur utilise un dispositif narratif qu'il avait déjà expérimenté dans Le Chant du cygne : une case quasi-fixe qui se répète sur une planche ou une demi-planche. Ce choix graphique permet de mettre l'accent sur les dialogues et la chute humoristique, les changements de cadrage subtils accentuant l'effet comique ou dramatique.  L'album n'a pas une intrigue continue, mais une série de portraits et de situations qui illustrent la vie des sexagénaires d'aujourd'hui. Jim aborde le sujet de front, sans faux-semblants ni apitoiement. Le point d'interrogation dans le titre (60 ans déjà ?) souligne l'effet de surprise et le décalage que représente ce passage de cap. L'auteur explore un large éventail de sujets liés au vieillissement : La mémoire qui flanche, les articulations qui craquent, l'apparence physique (les rides, les petits arrangements avec le temps qui passe), La libido qui clignote, le sexe, la séduction, et le regard sur le désir de l'autre (l'éternel cliché de l'homme mûr cherchant la jeunesse), les discussions intergénérationnelles (les questions qui tuent des petits-enfants), les relations avec les enfants désormais adultes, la place dans la société, lLes regrets, la retraite, les rêves avortés ou au contraire réinventés (le moment de se lâcher et de dire "f*** aux pseudos règles sociétales").

L'humour est l'outil principal de Jim pour désamorcer l'anxiété liée au vieillissement. L'auteur met en scène des messieurs et mesdames Tout-le-Monde dans des situations familières (auprès du psy, en famille, entre amis) où la vérité sur l'âge et ses travers éclate, souvent par une réplique bien sentie ou une chute cinglante. Jim utilise un dessin qui, bien que qualifié de minimaliste par certains, est doux et expressif. L'attention est portée sur les protagonistes et leurs expressions, essentielles pour la comédie. Les couleurs, assurées par Delphine, sont souvent sobres, servant à installer l'atmosphère sans détourner l'attention des dialogues ciselés. La technique des cases fixes donne une dimension très théâtrale à l'album, faisant ressortir le brio des dialogues qui pourraient presque être adaptés pour la scène. C'est une lecture parfaite pour ceux qui aiment l'humour générationnel et la lucidité tendre de Jim sur les travers et les beautés de la condition humaine.