Homme dessine robot, ils plaisantent, sortent dans la rue (homme masqué parce que monde covidé), croisent d'autre couples mixtes (chair et métal), vont boire des coups en terrasse, retournent à l'appartement où ils ont chacun leur chambre toujours ouverte à l’autre. La vie quotidienne harmonieuse, la belle amitié avec le coloc métallique finira mal, tragique, le cœur (humain) en prendra un sacré coup…

Avec "En chair et en fer", Killoffer sort de sa sphère habituelle en proposant une BD de science-fiction "réaliste", du quotidien. Sont regroupées en album les presque 300 cases qui illustraient l'essai du philosophe Dominique Lestel, "Machines insurrectionnelles", paru chez Fayard en 2020, où le vivant (conception non biologique) est pensé au milieu des marionnettes, peluches, fétiches, avatars numériques, robots, IA… . Un format à l'italienne, une couverture en bichromie, au reflet argenté pour un récit/fable drolatique, émouvant et philosophique sur la question des robots, les interactions homme-machine, les liens qui rappellent celui (fort, imputrescible) avec un animal domestique. Le personnage principal, avatar graphique de l'artiste, rappelle les narrateurs de l’inénarrable Charles Bukowski, gros dégueulasse au cœur extensible et authentique. Pas de mots, mais un graphisme appuyé, éloquent qui délivre de sublimes planches clair-obscures ; les mots en seraient de trop puisque tout est dit, implicite et explicite, les émotions gueulent leur implacabilité. Figure de l'avant-garde française depuis les années 1990, fondateur de la maison d'édition l'Association, illustrateur des nouvelles couvertures de Fantômette pour la "Bibliothèque Rose", Killoffer usine de l'art à l’état pur.