Avec son dernier roman graphique, consacré aux pèlerins de Compostelle et aux loups, l'éminence grise de la bande dessinée wallonne, Jean-Claude Servais, s'est montré assez ambitieux : le conteur littéralement gris, qui livre encore fidèlement un album chaque année, a voulu faire quelques déclarations supplémentaires sur l'humanité et l'écologie à l'hiver de sa carrière. Bien intentionnés, mais pas toujours réussis, car les albums sont plutôt détachés et moralisateurs. Avec son dernier opus, Bellem, Servais revient au thème qui l'a fait connaître il y a près de cinquante ans : le folklore. Et ça lui convient mieux. En matière de folklore, les Ardennes, les Hautes Fagnes et la Gaume ne manquent pas d'inspiration. À Bellem, un certain nombre de légendes et un lieu légendaire se rencontrent : il y a le magicien "diabolique" Bellem, la séduisante fée Mélusine, les quatre fées filleules et le coursier Bayard, mais aussi le magnifique château de Reinhardstein, à la frontière des Hautes Fagnes et des Ardennes. Enchanté par les histoires qui entourent Bellem et l'atmosphère particulière du château restauré avec amour, Servais jette tous ces ingrédients dans un mélange épicé et piquant de fantaisie rebelle.

Nous sommes témoins de la façon dont, au XVIIIe siècle, l'enfant trouvé Bellem - bâtard du seigneur du château et d'une gitane, incarnation de la fée Mélusine ? - grandit, ami proche de la fille de la maison, Marie-Charlotte. Le garçon est espiègle et fâché, impossible d'élever un chrétien, mais une bouffée d'air frais pour la demoiselle trop protégée. Lorsque Bellem se voit finalement montrer la porte, les deux personnages maintiennent un engagement ferme, malgré l'opposition et le mariage raisonnable de Marie-Charlotte. Servais a transformé ces légendes combinées en une histoire d'amour, agrémentée de légendes bien connues sur le sorcier des Ardennes. Le récit, qui s'étend sur de nombreuses années et est fragmentaire, forme néanmoins un ensemble qui se lit facilement. Un épilogue dans lequel l'auteur lui-même semble être confronté aux tentations de Mélusine est une fin ouverte que nous pouvons remplir nous-mêmes.