Librement inspiré du classique littéraire de George Orwell, La Ferme des animaux (Animal Farm, dans le titre original), Le château des animaux nous présente un univers où les différents animaux d'une ferme sont dirigés (et soumis) par un infâme taureau et ses chiens, qui agissent comme son armée personnelle. Face à toutes les injustices, commence, timidement mais progressivement, une force d'opposition à ce régime totalitaire, qui est dirigée par une chatte veuve et mère de deux petits, un lapin gigolo et une vieille souris sage et voyageuse. Dans ce troisième volume, ce combat, qui se veut sans violence, amène le chat Miss B, le lapin César et la souris Azelar à se concentrer sur ce point : convaincre les autres animaux de la ferme de ne pas céder à la violence, afin d'en finir avec le règne du taureau Silvio. Le premier instinct pour résoudre une confrontation est, tant chez les animaux que chez les humains, de recourir à la violence. Mais cet instinct s'avère également très primaire, et c'est pourquoi il est pertinent - bien que sans doute plus difficile - que la juste lutte pour les droits soit pacifique et sans violence. La dictature dure et rigoureuse du dictateur Silvio reste bien active et, face au mouvement pacifiste des marguerites, le taureau commence à boiter dans ses actions qui, avant le début de la rébellion, semblaient si bien sédimentées. Après tout, comment contrôler un peuple, en le laissant heureux mais, en même temps, à sa merci, en profitant du fruit de son travail ? Ce n'est pas une tâche facile. Et si au début, la lutte des animaux commençait par la revendication du droit d'avoir accès aux choses les plus élémentaires, comme la nourriture ou le chauffage, dans La nuit des justes, les animaux commencent à revendiquer le droit à la démocratie et à l'élection de celui qui les gouverne.

Nous avons dû attendre environ un an et demi pour un nouveau volume de la belle et merveilleuse série Le château des animaux, mais cela valait chaque moment d'attente. S'il n'y avait aucun doute sur la qualité de la série jusqu'à présent, il  semble que ce troisième volume parvient à élever encore plus la qualité de l'œuvre. Que ce soit dans le texte, le message ou les illustrations. Il s'agit, après tout, de l'une des meilleures séries de bandes dessinées actuelles ! Et tout apparaît chargé d'une forme d'humanisme qui fait que le lecteur crée un lien émotionnel avec les personnages et avec tous les obstacles qu'ils doivent surmonter. Honnêtement, en regardant maintenant le troisième volume, ce que l'on trouve le plus brillant dans Le Château des animaux est la tentative réussie et gracieusement bien architecturée des auteurs de nous donner un bref aperçu de l'introduction à la genèse de divers systèmes politiques. À première vue, on pourrait même croire que nous lisons une simple "petite histoire avec de gentils animaux"... mais la vérité est que nous lisons une histoire politique très bien pensée et extrêmement mature. Presque comme s'il s'agissait de "totalitarisme, socialisme et lutte des classes pour les nuls".  Mais tout cela se fait de manière naturelle, sans que l'histoire ne paraisse cyniquement politique ou condescendante, ni même qu'elle ne cherche à faire du livre un instrument pour véhiculer des courants de pensée de manière manichéenne. Et c'est une grande réussite ! C'est, sans aucun doute, l'histoire la plus humaine que l'auteur ait jamais réalisée. Et comme cette affirmation est curieuse, si l'on tient compte du fait que les humains n'apparaissent même pas dans cette histoire. Sans parler des illustrations de Delep qui, aussi incroyable que cela puisse paraître,  semblent s'améliorer, en termes qualitatifs, de volume en volume. Et la façon dont il illustre l'expressivité des traits des animaux, les rendant si humains, d'une part, tout en préservant, d'autre part, leurs caractéristiques animales naturelles ; ou la façon dont il illustre les moments de tension, les moments tristes ou les moments de rédemption ; ou encore la façon dont il dessine les différentes saisons de l'année - qu'il s'agisse du blanc manteau de neige, des tristes pluies d'automne ou des scènes verdoyantes du printemps, tout est fait avec une singulière maîtrise.