Scénario : Jeff Lemire
Dessin : Andrea Sorrentino et Dave Stewart
Gideon Falls est le tout nouveau projet de l’une des meilleures équipes créatives de comics. Le scénariste Jeff Lemire et le dessinateure Andrea Sorrentino se sont réunis pour la première fois depuis leur dernière collaboration avec Old Man Logan. Nous y suivons un groupe de personnages insolites profondément liés au monde étrange : Norton Sinclair est un jeune homme solitaire obsédé par une conspiration d'envergure dont les secrets seraient détenus dans les ordures de la ville. Il s'apprête à faire un rapport à sa psychiatre, la Dr Xu, qui le suit depuis de longs mois. Par ailleurs, Fred, un prêtre catholique délabré arrive dans une petite ville pleine de sombres secrets, Gideon Falls. De nombreux mystères s'entrelacent autour de la mystérieuse légende de la grange noire (The Black Barn), un bâtiment surnaturel présumé être apparu à plusieurs reprises au cours de l'histoire en différents lieux, entraînant la mort et la folie dans son sillage. Le mystère rural et l'horreur urbaine se rencontrent dans cette méditation centrée sur l'obsession, la maladie mentale et la foi
Gideon Falls met un scène un groupe principal fort et diversifié : Norton (troublé, peut-être pas aussi fou qu'il semble l'être), son psychologue apparemment condamné (le Dr. Xu), le père Fred (qui cherche) des réponses tout en essayant d'échapper à son passé, la shérif Clara (réalisant peut-être que ces réponses existaient depuis longtemps). Dans un premier temps, nous assistons à une histoire d’horreur étroitement interconnectée et dense, se fondant dans le malaise de voir un homme désespérément creuser dans les ordures. Tout cela évolue à mesure que la Grange Noire se met au centre de l'attention, non seulement comme un lieu ou une chose, mais comme une sorte d'antagoniste métaphysique - un peu comme la Loge Noire de Twin Peaks. Cette histoire passe de la fiction slasher normale à l'horreur cosmique d'une manière inégalée. Lemire accroît la tension de manière lynchienne, posant de grandes questions à nos personnages et lecteurs, auxquels ils ne connaîtront peut-être pas les réponses, mais qui ont un sens absolu dans les limites du récit. Bien que la qualité des personnages et le ton soient bons, ce qui distingue vraiment Gideon Falls, c’est la clarté de la vision artistique sur laquelle travaille l’équipe de création. Chaque aspect est connecté, entremêlé de manières incroyables qui rapportent à tous les éléments du livre. Sorrentino utilise beaucoup les espaces blancs pour attirer l'attention du lecteur sur les illustrations de la page plutôt que de les rendre trop occupées. Il utilise les panneaux pour continuer une scène et la diviser en morceaux malgré peu de mouvement, plutôt que de répéter son travail ou de placer tout le discours sur un grand panneau. Cela lui permet de montrer le temps qui passe, même s'il est bref, sans paraître statique, ce qui pose problème à de nombreux artistes. L’utilisation de crayons, les seules encres étant des lignes incroyablement petites, est un choix incroyable pour Sorrentino, car les œuvres de ce livre seraient gâchées par l’encrage typique et leur rendu visuel sera encore meilleur grâce aux couleurs de Dave Stewart.
VERDICT
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Gideon Falls débute un polar horrifique de qualité, le plus captivant et intéressant de l'année. Son équilibre entre horreur traditionnelle et lynchienne l’élève au-dessus du reste et livre un ouvrage qui non seulement exige mais récompense votre attention.