Février 1927. Édouard, le fils de Marcel Péricourt s'étant suicidé, Madeleine devient l'héritière de l'empire paternel. Mais sa mauvaise gestion l'entraîne à la ruine. Après avoir perdu sa fortune et récupéré un fils handicapé, elle va donc entreprendre de se reconstruire en prenant sa revanche sur un entourage envieux, Gustave Joubert, le fondé de pouvoir de la banque Péricourt; Charles, le frère de Marcel, mécontent de sa part d'héritage; et sur le précepteur de Paul, pour d'autres raisons. Si elle a tout perdu, Madeleine reste une femme forte, déterminée, qui va mettre toute son habileté à organiser des stratagèmes aussi sournois que tous ceux qui l'ont trahie, déclassée.

On attendait impatiemment la suite du premier volet de cette grande fresque du début du XXème siècle, Au revoir là-haut, en espérant y trouver le même intérêt de lecture. Cet espoir est confirmé avec Couleurs de l'incendie, qui s'avère tout aussi dense et captivant. Dans le premier tome , on était immergé dans la Grande Guerre, avec la montée du capitalisme et les arnaques aux Monuments aux morts concoctées par les poilus Péricourt et Maillard. Ce deuxième volet débute par les obsèques du banquier Marcel Péricourt ; un drame suivi d'un autre, puisque son petit-fils Paul, âgé de 7 ans se jette par la fenêtre du premier étage et termine sa course sur le cercueil de son grand-père. Il en reste handicapé à vie. Toute l'intrigue de ce livre tourne autour d'une suite de vengeances savamment orchestrées. Tous ces personnages sont remarquablement étudiés, avec un incroyable sens du détail, que ce soit Madeleine, femme courageuse, très concernée par le handicap de son fils; sa dame de compagnie Léonce, rusée et ambitieuse; la Diva amie de Paul; les sœurs jumelles, filles de Charles, aussi laides que naïves; Vladi, la joyeuse nurse polonaise de Paul et tant d'autres dont rien n'est laissé au hasard. Pierre Lemaître s'amuse à les décrire au plus près, avec, souvent, une certaine ironie. Le scénario nous place à nouveau dans un contexte historique important, celui des années 1920-1930, période foisonnante qui voit arriver la crise de 1929, l'évasion fiscale (clin d'oeil à notre actualité), la montée du fascisme, le boursicotage. En ce qui concerne la musique, c'est une bouffée d'air pur dans ce monde corrompu. Grâce à elle, Paul parvient à se reconstruire, à devenir adulte. Avec toujours le même art de la narration, Pierre Lemaître mène l'intrigue comme un polar, en ménageant de nombreux rebondissements, ainsi que des dialogues savoureux. Les dessins de De Metter portent à merveille les expressions des différents personnages, et c'est un véritable plaisir à suivre ce recueil très troublant.