Scénario et dessin : Zeniko Sumiya
Tu me coupes le souffle (Iki Dekinai no wa Kimi no Sei) est un manga toujours en cours de parution au Japon et qui a connu quatre tomes à ce jour aux éditions Libre. Deux musiciens, Shizuki et Yano, jouent dans le même orchestre. Deux beaux garçons, qui savent susciter l'admiration des filles mais qui ne s'aiment pas vraiment. Mais face au stress quotidien, ils trouvent une solution : devenir sex friends (si on puit dire), une relation sans pression sentimentale (d'ailleurs, l'un d'eux prétend qu'étant deux hommes, les nouveaux sentiments ont moins de chance de naître... ce qui est vraiment choquant au 21ème siècle) et qui satisfait leurs besoins hédonistes. Mais après quatre ans de rencontres sporadiques, nos protagonistes commencent à repenser leur propre relation... et nous savons tous où cela nous mène.
Dans l'univers vaste et riche du dictionnaire de métaphores pimentées et subtiles, les instruments de musique et particulièrement les instruments à vent remportent la palme. N’importe quel lecteur pense sûrement déjà à quelques exemples. Compte tenu de cela, une histoire comme celle proposée par « Tu me coupes le souffle », qui associe un saxophoniste et un flûtiste qui décident de franchir un pas au-delà de la simple amitié en s'orientant vers le domaine sexuel, cela devrait être le terreau parfait pour une comédie sentimentale déjantée. Mais ce manga est plus proche de son propre titre, de toutes ces chansons et poèmes qui racontent comment l'être aimé nous laisse essoufflé. Dans les BL, les couples qui se détestent avant de s'aimer sont courants, mais dans cette série, l'auteure opte pour quelque chose de moins viscéral, avec une relation qui évolue petit à petit, qui mûrit sans hâte, même si bien sûr les malentendus (toute l'histoire du neveu) et bien sûr les doutes ne manqueront pas, faisant disparaître de l'équation ce qui serait le germe initial de leur lien, la musique, pendant une bonne partie de l'intrigue. On se retrouve donc avec une histoire romantique au départ un peu différente de ce à quoi on est habitué, avec un fond un peu loufoque mais réaliste qui nous engage progressivement au même titre que l'empathie envers les personnages, froids au départ mais qui évoluent. Moins explicite que d'autres œuvres du genre auxquelles nous sommes habitués (beaucoup plus insinué que montré), avec une touche d'humour (la référence finale à " Whiplash " est très réussie) et articulé par des dialogues, " Tu me coupes le souffle " est un manga qui se déguste petit à petit. Bien que l'on puisse avoir la légère sensation d'avoir affaire à un BL parmi d'autres dans un seul volume, cette œuvre parvient avec ce premier tome à nous laisser un bon goût en bouche qui nous invite à voir quelle direction va prendre une histoire qui semble aller d'un terrain atypique à un terrain un peu plus conventionnel. Avec un bon dessin qui brille par des détails comme la recréation d'instruments de musique, c'est une œuvre qui, si elle opte pour ce point original dont elle montre qu'elle sait tirer parti, peut nous donner beaucoup de joie à l'avenir, avec des personnages prometteurs et des ingrédients qui peuvent donner du fil à retordre.
VERDICT
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Pour l'instant, on reste sur un premier tome qui est un bon point de départ, et qui nous laisse atteindre la suite avec impatience. Qu'il s'agisse des premiers accords d'une bonne mélodie ou, tout simplement, que la flûte ait sonné par hasard, il est trop tôt pour le dire.