« Je fais partie de cette génération qui a vu disparaitre une civilisation qui avait duré dix siècles, une autre vient que je ne verrai pas ». Sur un constat doux-amer, Jacques Terpant dépeint sa nostalgie avec émotion. Les campagnes se sont inexorablement vidées, la vie s’en est allée, la société agraire traditionnelle s’est délitée. Originaire du petit village d’Hostun blotti au pieds du Vercors, dans la Drôme, Jacques Terpant retrace l’histoire multi-centenaire de ce lieu, pour mieux l’ancrer dans un présent fait d’abandon ou pour le moins de somnolence. D’une société féodale structurée, lovée autour de son château et de son église, les guerres puis les révolutions ont perturbé un équilibre rural constitué de labeur et de mysticisme. L’industrialisation a fini de rompre cette harmonie avec le départ de sa population vers les villes.

Les couleurs douces et profondes, réalistes et délicates offrent une lecture immersive ponctuée de phases contemplatives successives. Cette lecture suit un rythme narratif lent qui reflète une vie rurale naturellement cadencée tel un mantra, par des travaux saisonniers répétitifs. Les villageois égrènent les saisons au gré de veillées communautaires. La précision du dessin semble participer au devoir de mémoire sur la ruralité dont l’auteur se fait le chantre. L’amour de la nature suinte de cases que ne renierait pas Jean-Claude Servais : un lièvre traverse un champ, un immuable sanglier vient narguer des sempiternels chasseurs. « Ce monde est tombé dans le suivant sans le moindre bruit, sans presque qu’on le remarque, a? part quelques-uns, qui, comme moi, ont vu le jour en milieu rural …Cette fin, c’est la coupure entre l’homme et la terre, la disparition de la société agraire traditionnelle qui a construit le monde ». Émouvant et tellement vrai...