Le concept bouddhiste de tulpa fait référence à un type d'entité qui se manifeste dans le monde matériel grâce à la forte croyance d'un ou plusieurs individus en son existence. Dans différentes fictions, cette notion a été traitée d'une certaine manière pour faire référence au fait que certains dieux n'existent que grâce aux personnes qui croient en eux, ce que nous avons vu par exemple dans American Gods (Neil Gaiman) ou même dans certaines bandes dessinées de Thor. Cette fois, le scénariste James Tynion IV va en profiter pour créer une histoire très ambitieuse en orientant l'idée de tulpa vers le côté conspirationniste : et si toutes les théories du complot devenaient vraies dès lors qu'il y avait suffisamment de fêlés qui y croyaient ? Cela permet à Tynion de se plonger dans les intrigues les plus folles et les plus passionnantes : Neil Armstrong a-t-il vraiment posé le pied sur la lune ou s'agissait-il d'un canular ? Y avait-il un autre sniper à Dallas le jour où JFK a été assassiné ? La Terre est-elle plate ? La société reptilienne est-elle infiltrée dans les plus hautes sphères de la société ? Y a-t-il des crocodiles dans les égouts de New York ? Les extraterrestres nous rendent-ils visite dans des soucoupes volantes et enlèvent-ils des vaches pour les examiner avec des sondes anales ? La réponse à toutes ces questions est... "ça dépend". La série X-Files n'a pas seulement été un phénomène télévisuel à l'époque, elle a aussi eu pour effet d'alimenter les délires, à travers le personnage de Fox Mulder, de tous ceux qui vivaient sous l'hypothèse que le gouvernement conspirait contre eux pour dissimuler la vérité.

Alors que dans cette série, les protagonistes chargés de découvrir la vérité sur les événements paranormaux rapportés étaient le directeur adjoint du FBI Walter Sergei Skinner, l'agent Mulder et la jeune Dana Scully, nous aurons ici une équipe qui essaiera de réparer les altérations de la réalité créées par les amis de l'aluminium avec une équipe qui pourrait fonctionner comme un sombre reflet de la première : un patron avec une histoire assez impressionnante, un agent endurci avec un permis de tuer, et Cole Turner, une recrue qui servira à introduire le lecteur dans la mythologie de la série. Et ils appartiennent tous au Département de la Vérité, un bureau créé pour éviter que l'affaire des tulpas ne dégénère et qui pourrait être comparé aux célèbres hommes en noir immortalisés par la saga Men in Black. On pourrait même théoriser, sur la base de ce qui nous est raconté dans ce premier volume, que le Département de la Vérité lui-même est un tulpa issu de toutes ces légendes entourant les agents du gouvernement chargés de cacher certains événements. Dans la section graphique, nous trouvons un dessin de Martin Simmonds qui pourrait rappeler à beaucoup le travail de Bill Sienkiewicz ou Dave McKean. Illustré et délibérément déroutant, il peut ne pas plaire à tout le monde. Ce choix pour une histoire qui est finalement racontée de manière assez classique pour la plupart est curieux, car si cela brille sur certaines pages, notamment celles qui plongent dans le domaine du surnaturel, il y en a d'autres où cela ne semble pas le style le plus approprié. Il est vrai aussi que lorsque le lecteur s'y habitue, c'est beaucoup plus tolérable qu'au début.