Josep réalisé par le dessinateur primé Aurel (alias Aurélien Froment) est important pour plus d'une (bonne) raison. Tout d'abord, il s'agit du témoignage sur l'artiste catalan moins connu Josep Bartoli. Le film se concentre sur sa fuite de France vers le Mexique - où il sera l'amant d'une autre rebelle, Frida Kahlo - et ensuite vers l'Amérique, où il fera la connaissance de nombreux grands noms de l'époque, dont Rothko, Charles Pollock ou De Kooning, comme le raconte sur son lit de mort l'un de ses sauveurs, un gendarme français qui, à l'époque, faisait partie du système de répression du régime de Vichy. L'histoire des réfugiés espagnols de la guerre civile en France pendant la guerre est rarement racontée et ce film le fait dans un style Goya de représentations artistiques. L'animation est faite dans la veine des caricatures d'Aurel publiées régulièrement dans Le Monde ou Le Monde Diplomatique, entre autres. Les messages sont majoritairement de gauche, tout à fait dans la veine du personnage. Josep  adopte un cadre sombre, mais célèbre la force de l'esprit humain face à des obstacles terribles, évitant un portrait de pur misérabilisme. L'animation ne bouge pas non plus comme on l'attend dans l'animation moderne : les personnages entrent et sortent du cadre pour montrer le mouvement. Mais il y a un vrai pouvoir dans ces images simples : des prisonniers nus se déplaçant dans la brume matinale sous un lever de soleil violet ; un rassemblement pour écouter la chanson pleine d'espoir d'une femme baignée de lumière jaune. Les vrais dessins de Bartolí sont également affichés partout et apparaissent comme des visions du surréaliste, brillamment en contradiction avec la toile de fond oppressante du film. Il y a aussi un peu d'Hergé dans le style du dessin d'Aurel, qui semble typiquement inadapté à des thèmes aussi morbides, mais dont la chaleur inhérente transparaît comme un phare dans l'obscurité.

Une autre raison intéressante de regarder ce film était le message purement humaniste qui dépasse les divisions typiques façonnées par la guerre. La guerre civile, en particulier, a le potentiel de détruire profondément et parfois irrémédiablement la confiance humaine. Dans le cas de Josep, la contribution humaine unique peut sauver une vie. C'est un bon rappel pour ceux qui dépeignent le monde dans un pinceau simpliste en noir et blanc. Ce film a été une rencontre intellectuelle exceptionnelle qui a révélé à quel point les connaissances sur la guerre civile espagnole et ses acteurs intellectuels peuvent apparaître limitées pour le grand public. Pourtant, très fréquemment, l'histoire intellectuelle de diverses régions du monde traverse des défis et des tragédies considérables - la dictature de Pinochet, le génocide rwandais, le génocide arménien, la révolution islamique iranienne, les guerres des Balkans et bien d'autres encore - qui peuvent laisser un profond traumatisme tout en forçant la recherche intellectuelle dans des domaines créatifs inconnus. Quoiqu'il en soit, Josep dresse une observation intéressante qu'il nous tarde d'explorer plus avant.