Après ses aventures au Congo, Corentin Tréguier, botaniste naïf et maladroit, se retrouve en Angleterre en 1875. Initialement venu pour étudier les primates à Bornéo, une escale malheureuse à Southampton le plonge dans un univers qu'il ne connaît pas : celui des mines de charbon et de la dure réalité de la classe ouvrière britannique en pleine révolution industrielle. Sans le vouloir, et par une série de quiproquos et de malentendus, Corentin se retrouve propulsé à la tête d'un mouvement social et révolutionnaire qui ébranle le pouvoir en place et le mène jusqu'aux portes de Buckingham Palace.

Le scénario de Suarez est l'un des points forts de cette bande dessinée. Il excelle dans l'art de mêler l'humour absurde à une critique sociale pertinente. Le personnage de Corentin, avec sa candeur et son inaptitude sociale, est un catalyseur improbable pour une révolution. Les situations comiques, souvent nées de ses maladresses et de sa méconnaissance des codes sociaux britanniques, allègent le propos sans jamais le dénaturer. Au contraire, l'humour sert souvent à souligner l'absurdité et l'injustice des conditions de travail et des inégalités sociales de l'époque. Le récit est bien rythmé, alternant les moments de comédie avec des séquences plus sérieuses décrivant la dureté de la vie des mineurs. La narration est fluide et claire, permettant au lecteur de suivre aisément les péripéties de Corentin et l'évolution de la grève. Le cahier documentaire à la fin de l'ouvrage apporte un éclairage historique intéressant sur le contexte de la révolution industrielle et les luttes ouvrières en Grande-Bretagne. Le style graphique d'Hamo, avec sa ligne claire et ses couleurs vives, est très agréable à l'œil. Il confère à l'album une légèreté visuelle qui contraste parfois avec la gravité des thèmes abordés. Les personnages sont expressifs et bien caractérisés, et les décors de l'Angleterre industrielle sont rendus avec un souci du détail qui immerge le lecteur dans l'époque. Le choix des couleurs, souvent chaudes et lumineuses, participe à l'atmosphère à la fois humoristique et touchante de l'ensemble. Corentin Tréguier est un anti-héros attachant dont la maladresse et la bonne volonté le rendent immédiatement sympathique. Les personnages secondaires, qu'il s'agisse des mineurs, des bourgeois dépassés ou des figures de l'aristocratie, sont bien campés et contribuent à la richesse du récit. Le contraste entre la naïveté de Corentin et la réalité brutale du monde qui l'entoure est un moteur essentiel de l'humour et de la critique sociale.