Petite chatte pleine de malice, Madame mène une vie d'enfer à sa maîtresse. Les bêtises, elle adore ça, et l'appartement semble être une énorme source d'inspiration pour l'animal ! Dans la plus pure tradition des strips comics, la bande dessinée contient une foule de gags souvent très loufoques se moquant de situations quotidiennes, à base de jeux de mots bien trouvés. Avec Madame, le moindre petit détail peut engendrer une catastrophe, et elle ne se prive de trouver une bonne excuse en parlementant avec sa maîtresse. Oui Madame est dotée de la parole, et son caractère s'avère bien tranché. Si l'on devait définir Madame, disons qu'il s'agit d'un mélange entre Nelson, le diablotin des éditions Dupuis (mais en moins vorace toutefois), et de Pico Bogue (Dargaud) pour l'aspect philosophique de certaines pages.

Il est courant pour les chats de penser qu'ils sont le propriétaire et que l'humain est leur animal de compagnie. Cependant, nous ne pouvons qu'espérer qu'ils n'ont pas tous l'attitude que possède Madame surtout que cette Nancy Peña a eu un bébé. Au-delà des problèmes habituels auxquels on peut s'attendre d'un chat, on nous présente les problèmes propres à un dessinateur de BD. Il s'agit notamment de renverser des bouteilles d'encre, de laisser des empreintes de pas désordonnées avec cette encre et de saboter à la fois les planches de BD et les données informatiques en piétinant le clavier. Pour aggraver les choses, Peña est également au courant de la nature arrogante et sardonique de Madame. Toujours dans le vrai dans son esprit, alors que Madame a cette nature inquisitrice que possèdent beaucoup de représentations réalistes de chats, elle passe aussi une bonne partie des vignettes à démonter ce que Peña fait et dit avec sa propre logique de chat. Il s'agit d'un équilibre délicat entre le charme et l'agacement, mais Peña y parvient avec brio. La bande dessinée est également soutenue par des illustrations très réussies. Peña a un style distinct et unique qui convient parfaitement au style de la narration et des personnages. Dans la même page, on peut ressentir de la sympathie envers Peña pour la frustration constante que ce chat agaçant engendre dans sa vie et rire des pitreries de Madame qui navigue dans la vie. La progression est très limpide, essentiellement un gag par planche, les jeux de mots sont légions (notamment avec les titres du quotidien), et le design volontairement épuré en bichromie se montre très poétique. Les crayonnés ne manquent pas d'expressivité et certaines planches extérieures affichent des décors magnifiques. L'univers est suffisamment rassembleur pour séduire un large public, qu'il soit propriétaire de chats ou non.