Scénario et dessin : Virgile Dureuil
d'après le récit de Sylvain Tesson
L'auteur Sylvain Tesson, est aussi proche d'un fou qu'on peut l'être. Écrivain et voyageur infatigable, il collabore avec de nombreux journaux et a été le protagoniste d'aventures extrêmes : d'un tour du monde à vélo à la traversée à pied de l'Asie et de la chaîne himalayenne, en passant par une retraite dans la solitude totale pendant six mois dans une cabane, expérience qui a donné naissance au livre "Dans les forêts de Sibérie". Nous sommes donc le 2 décembre 2012 à Moscou. Napoléon était arrivé ici à l'automne deux cents ans plus tôt et avait trouvé la ville à moitié déserte et détruite par le feu. Le général russe Kutuzov avait tout brûlé, disant "que Napoléon vienne à Moscou, il ne trouvera que des décombres". Mais intéressons-nous à la Bérézina de Sylvain Tesson et à notre "Français moderne fou". Avec ses compagnons de voyage - un géographe, un photographe et deux amis russes - ils ont quitté Moscou pour Paris dans de vieux side-cars Oural. Bien sûr, l'armée de Napoléon n'avait pas de motos, mais les side-cars soviétiques ne savent pas à quelle distance ils peuvent se trouver des chevaux. "Pourquoi ne pas offrir ces quatre mille kilomètres aux soldats de Napoléon ? A leurs fantômes, à leur sacrifice ? Personne en France ne s'en soucie : les Français ne pensent qu'au calendrier maya et ne parlent que de la fin du monde."
Le parcours décrit dans la Bérézina de Sylvain Tesson est le suivant : Moscou, Borodino, Vyaz'ma, Smolensk, Borisov, Minsk, Vilnus, puis la Pologne, l'Allemagne et Paris. Nos motards fous s'inspirent des mémoires du confident de l'Empereur français, le général Caulaincourt, et accompagnés d'alcooliques et de routiers atteignent Paris le 18 décembre. Une moyenne de 300 km par jour dans ces véhicules et ces conditions constitue un véritable record. Vous les imaginez traverser les étendues gelées de la Russie dans leurs side-cars déglingués, en brandissant le drapeau napoléonien ? Bien sûr, ces images de vodka et de side-cars peuvent faire rire, mais les descriptions "horrifiantes" de Tesson nous ramènent sur terre. Il nous permet de revivre le désespoir de ces jeunes hommes emmenés en Russie pour combattre, qui, jour après jour, se rendaient compte qu'ils ne reverraient jamais Notre-Dame ou la Seine, et qui, s'accrochant à la vie par les ongles, devenaient les protagonistes d'épisodes extrêmes et animaliers. Mais parlons un instant du titre : pourquoi Tesson a-t-il choisi le mot Bérézina pour le titre de son livre ? Il s'agit d'une rivière qui traverse ce qui est aujourd'hui la Biélorussie et qui a été le théâtre d'une bataille épique. Le résultat de la bataille n'a pas été entièrement au détriment de l'armée française, mais elle est restée dans les mémoires pour le nombre de soldats qui ont péri dans les eaux glacées du fleuve pour la construction de deux ponts. Pourquoi deux ponts et pas un seul ? Car malgré tout, Napoléon a compris que pour sauver le plus grand nombre de soldats, il fallait construire un pont près de la gare de l'armée russe et un autre à 15 km de là comme voie de fuite efficace, une stratégie qui n'a pas sauvé l'issue de la retraite mais qui a sauvé quelques soldats. Les images sont très belles, c'est dépaysant, déroutant et envoutant.
VERDICT
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Le sujet du livre est "Napoléon et la Russie". Un thème qui n'est certes pas nouveau, mais qui, dans ce cas, ne raconte pas la désastreuse campagne militaire de l'empereur français, mais un voyage sur la retraite de Napoléon à bord d'un side-car de fabrication soviétique. C'est probablement l'un des meilleurs ouvrages de Tesson et Virginie Dureuil a parfaitement su le mettre en images, certes pleine de sang et de drame, mais aussi d'humour, d'alcool et de moteurs en panne.