Résumé : Depuis toujours le curé de Kilkenny vient réviser son prêche devant les moutons qui l'écoutent pieusement, dans le pré derrière l'église. Un matin, il ne vient pas, ni les suivants. Un écureuil et un vieil hibou vont mener l'enquête sur cette disparition, pendant que les ovins se déchirent pour succéder à celui qu'ils prennent pour Dieu et les humains se divisent pour le pub accolé à l'église !

Le détour est dans le pré ! Avec cette parabole sur la croyance, la foi, les certitudes liées à l’ordre établi, Didier Crisse va rendre jaloux Athanase Perceval et Romuald, ces deux génies... Bien que le récit ne soit pas aussi délirant (car beaucoup plus construit et sérieux) que ceux du regretté F’Murr, le message sous-jacent lui confère pourtant un cousinage bienvenu. En particulier grâce au dessin de Christian Paty qui possède cet aspect très rond, capable d'adoucir toutes les situations avec une rare efficacité notamment sur la partie animalière de l’album. Par le biais d’une pseudo-enquête policière aux répercussions catastrophiques au sein d'un Clochemerle irlandais, Didier Crisse met le doigt sur les ravages des suppositions qui se transforment en certitudes ou en croyances, dès lors que la logique et le rationnel laissent le champ aux ambitions personnelles. Il montre pourquoi il ne faut pas bousculer les habitudes ancrées trop brutalement, au risque d’obtenir l’effet inverse de celui souhaité. Quand, pour comprendre une situation, nos cerveaux ne disposent pas d’assez informations (voire de trop) ou pas assez de ressources neuronales, se créée alors mécaniquement une peur métaphysique du vide qui aboutit généralement à des solutions délirantes, uniquement justifiées par le besoin de croire et la manipulation de ce besoin. Dans tous les cas, les ravages individuels et collectifs sont considérables, préjudiciables et durables. Déni de la réalité pour ne pas perdre la face, perte de confiance généralisée, autoritarisme, etc. Procédé récemment peaufiné à un point quasi artistique par un président au ton orange. Ce besoin de croire, de se rattacher à un groupe de pensée similaire et concordante s’avère pourtant rassurant pour ceux qui y adhèrent. Ils sont enfin compris intégrés dans une explication tellement convaincante qu’il ne saurait y en avoir d’autres. La confrontation ou l'opposition désignant le paria ou l'hérétique.