Paris, 1957. Une bande d'adolescents se retrouve régulièrement au square de la Trinité. Ils sont tous passionnés par cette nouvelle culture qui déferle sur la France : le rock 'n' roll. Plus qu'une simple musique, c'est un véritable mode de vie qui émerge, avec ses codes vestimentaires, ses coiffures et une attitude rebelle inspirée par l'imagerie américaine. Parmi ces jeunes, on croise Jean-Philippe Smet, Claude Moine, Jacques Dutronc et Françoise Hardy, encore loin de devenir les icônes Johnny Hallyday, Eddy Mitchell, et les figures emblématiques de la scène yéyé. On suit leurs rencontres, leurs amitiés naissantes, leurs premiers amours, leurs rivalités et leurs premiers pas hésitants dans le monde de la musique.

Vincent Cuvellier réussit avec brio à nous plonger dans l'atmosphère de la fin des années 50. Le récit est empreint d'une certaine nostalgie, mais sans jamais tomber dans la caricature ou l'édulcoration du passé. On ressent l'effervescence de cette époque charnière où une nouvelle culture prend racine, bousculant les codes établis. Le scénario met l'accent sur l'adolescence des futurs stars. On les découvre avant la gloire, avec leurs doutes, leurs rêves, leurs maladresses et leurs préoccupations typiques de cet âge. C'est un angle intéressant qui permet de les humaniser et de montrer leurs fragilités avant qu'ils ne deviennent des figures publiques. Bien que Jean-Philippe (futur Johnny Hallyday) soit un personnage central, le récit prend soin de donner de la place aux autres figures comme Eddy Mitchell, Françoise Hardy et Jacques Dutronc. On aperçoit leurs personnalités se dessiner, leurs premiers contacts avec la musique et les prémices de leurs futurs destins. Cependant, certains lecteurs pourront regretter que le récit ne s'attarde pas davantage sur le développement de chaque personnage individuellement. Le scénario est parsemé de petites anecdotes et de clins d'œil qui raviront les connaisseurs de cette époque et de ces artistes. On y découvre des éléments qui ont pu influencer leurs parcours futurs, comme la découverte de la guitare pour Dutronc ou les difficultés familiales de Françoise Hardy. La construction en boucle du récit, évoquée par certains critiques, peut être interprétée comme une manière de souligner la coexistence de différentes formes d'expression culturelle à cette époque (le rock 'n' roll naissant et la musique classique, par exemple). Cependant, cette structure peut parfois donner une impression de répétition ou de manque de progression linéaire pour certains lecteurs. Le dessin de Jeff Pourquié est un véritable atout de cette bande dessinée. Son style semi-réaliste, avec un trait clair et expressif, restitue parfaitement l'ambiance de la fin des années 50. Les détails vestimentaires, les décors parisiens et les attitudes des personnages contribuent à une immersion réussie.  Certains observateurs notent une légère évolution vers un style plus réaliste que dans les travaux précédents de l'auteur, ce qui se justifie par la représentation de personnes réelles. Les expressions des visages sont particulièrement bien rendues, capturant les émotions des adolescents.