Dragon & Caméléon (Ryuu to Chameleon) est une série toujours en cours de parution au Japon et qui a connu huit tomes à ce jour aux éditions Square Enix. Garyo Hanagami est un mangaka renommé, sur toutes les lèvres grâce à son travail actuel. Véritable figure emblématique du monde du manga, il est très apprécié des auteurs comme des lecteurs. Il a plusieurs assistants, parmi lesquels se distingue Shinobu Miyama, un artiste doté d'une incroyable capacité à imiter le style de n'importe quel auteur, d'où son surnom de « caméléon ». Cependant, son caractère colérique le prive encore de reconnaissance. Tout semble normal jusqu'à ce qu'un jour paisible, suite à un accident aussi absurde que grave, les deux artistes échangent leurs corps et finissent à l'hôpital. Quand Hanagami suggère de trouver un moyen de redevenir eux-mêmes, Miyama refuse : il est désormais célèbre et il n'est pas prêt à renoncer à l'avenir radieux qui l'attend ! Mais cela n'intimidera pas un grand mangaka comme Hanagami, loin de là. Prenant cela comme un défi personnel, ce mangaka désormais inconnu discute avec son éditeur, lui explique sa situation et décide de créer de nouveaux mangas, tous plus passionnants les uns que les autres, pour revenir au sommet et prouver que son manga a non seulement des adeptes, mais que tout ce qu'il crée est capable de toucher les lecteurs, même s'ils ignorent qu'il s'agit de lui. Désormais, Miyama ne sera pas laissé pour compte et ne se contentera pas de copier le dessin et de continuer à guider l'histoire de son ancien sensei, mais il est également plus que prêt à y apporter sa propre touche et à se l'approprier.

Le troisième volume parvient une fois de plus à un équilibre magistral entre drame, comédie et critique de l'industrie du manga, reprenant ainsi l'élan qui anime fortement ce manga réalisé par des mangakas. Suite aux événements survenus au camp d'entraînement de Shonen Wonder Publishing pour les nouvelles séries, Garyô Hanagami, l'auteur légendaire piégé dans le corps de son apprenti Miyama, est contraint de se retirer du concours après un malaise. Ce revers lui coûte non seulement l'opportunité de relancer sa carrière, mais le place également sur la liste noire d'un éditeur, suspendu pour un an et demi. C'est alors qu'apparaît Orochi Yamadano, une ancienne mangaka à succès bannie de Shonen Wonder pour avoir tenté de débaucher ses meilleurs auteurs et de créer son propre magazine. Dotée d'un don quasi surnaturel pour lire dans les pensées, elle comprend immédiatement la vérité : Garyô et Miyama ont échangé leurs corps. Mais loin de le haïr, elle le considère comme son ancien disciple et un pion idéal dans sa vengeance éditoriale. Pendant ce temps, le véritable Miyama, prisonnier du corps de Garyô, commence à ressentir une certaine agitation. Après avoir lu les manuscrits du camp d'entraînement, quelque chose s'éveille en lui : le désir de ne plus être un simple caméléon reproduisant les ordres de Garyô. Il aspire désormais à créer sa propre œuvre. Ce retournement de situation replace Miyama au premier plan et prépare le terrain pour un conflit potentiel entre les deux artistes, chacun luttant pour son identité depuis le corps d'un autre. Cette dynamique inversée maître-disciple est l'un des atouts majeurs de ce volume. Orochi et Garyô partagent une passion dévorante pour le manga, et bien que leurs méthodes soient moralement discutables, le lecteur ne peut s'empêcher de partager leur désir : créer une œuvre qui bouleversera les fondements de l'industrie. Ishiyama dépeint cette relation avec une grande complexité, s'éloignant des clichés du sh?nen pour explorer un territoire plus mature et ambigu. De plus, l'apparition d'Orochi permet à Ishiyama d'explorer les recoins les plus sombres du monde de l'édition. Ses méthodes, qui consistent notamment à emmener ses auteurs dans des maisons closes pour s'inspirer de scènes réalistes, sont aussi scandaleuses que fascinantes. À travers elle, la série livre une critique acerbe du culte de la productivité, des abus de pouvoir et de la fragilité du prestige dans un système d'édition impitoyable. Shonen Wonder, la maison d'édition phare de l'histoire, est dépeinte comme une institution capable de se débarrasser de ses plus grands talents par peur ou par arrogance, tandis qu'Orochi, avec son style autoritaire et passionné, apparaît comme une sorte de contrepoids. Quant au dessin de Ryo Ishiyama, il demeure l'un des points forts de la série. L'expressivité des personnages, les contrastes entre le noir et le blanc, l'utilisation narrative de l'espace et le cadrage dynamique contribuent à renforcer la tension interne de chaque scène. Après la frénésie narrative du second tome, la narration retrouve le rythme plus organique du premier volume, permettant à chaque rebondissement de s'épanouir et à chaque personnage d'évoluer de manière cohérente.